Konoba a donnĂ© un grand coup de pied dans la fourmiliĂšre avec son message sur Instagram et son interview donnĂ©e Ă parismatch.be. Ce faisant, il a braquĂ© des projecteurs sur un secteur qui en manque parfois (souvent ) cruellement. Ses propos ont Ă©galement le mĂ©rite de conduire les mĂ©dias Ă sâintĂ©resser Ă ce que programment rĂ©ellement les radios. Fuient-elles les productions de la FWB au profit dâautres artistes Si chaque cas est particulier, il ne faut pas oublier que depuis 15 ans, lâattribution des frĂ©quences FM comporte des exigences et se fait aussi sur base de projets, donc dâengagements.
Ainsi, certaines stations proposent des programmations musicales qui vont bien au-delĂ des fameux doubles quotas de chanson en français et de production FWB. Câest le cas de BX1, radio liĂ©e Ă la tĂ©lĂ©vision du mĂȘme nom (diffusion en streaming, DAB + t tĂ©lĂ©vision), fait remarquer Jean-Jacques Deleeuw, directeur de lâinformation et rĂ©dacteur en chef, qui rĂ©agissait Ă la publication de Konoba. âSur BX1, la programmation est Ă 100 FWBâ, Ă©crit-il en mettant en avant un certain volontarisme nĂ©cessaire. Une position quâil juge complĂ©mentaire. âIl est important que les stations proposent de la diversitĂ© dans leur globalitĂ©. LâintĂ©rĂȘt est surtout de se rendre compte quâune programmation Ă 100 FWB tient sur la longueur.â
âĂa ne fonctionnait pas mieux avantâ
Sâagissant des quotas, il y a longtemps que LN Radio, diffusĂ©e en FM, DAB + t streaming, fait plus. âNotre radio est au-dessus de ce qui est demandĂ©. Câest une dĂ©cision que nous avons prise, explique le directeur Philippe Deraymaeker. En 2019, lors de lâappel dâoffres pour les frĂ©quences FM, il fallait 6,5 de musique dâartistes FWB et nous nous sommes engagĂ©s pour 11 . On venait de 7,5 lors de lâappel dâoffres prĂ©cĂ©dent. En interne, jâai cependant donnĂ© des instructions pour quâon monte au-delĂ de 15 , ce que nous faisons actuellement. Parce que câest un crĂ©neau que nous estimons porteur, quâil y a un travail Ă faire dans ce domaine et parce que la qualitĂ© et la quantitĂ© de production musicale le permettent. Il y a 20 ans, faire une interview par semaine dâun artiste FWB mainstream ou avec un potentiel mainstream et programmer 15 dâartistes FWB, je ne pense pas que câĂ©tait facile. Aujourdâhui, ça lâest.â
Actif en radio depuis le dĂ©but des annĂ©es 80, Philippe Deraymaeker connaĂźt lâĂ©volution du mĂ©dia. A-t-il constatĂ© une diffusion dĂ©croissante des artistes de la FWB âDe maniĂšre gĂ©nĂ©rale, jâai lâimpression quâon en passe beaucoup plus aujourdâhui. Il y a aussi plus de diversitĂ© de nos jours pour caricaturer la chose, quand je faisais de la radio dans les annĂ©es 80-90, il y avait Pierre Rapsat, Philippe Lafontaine et Maurane, câest tout. DĂ©sormais, il y a toute cette bande de DJ producteurs (Henri PFR, Alex Germys, etc.) qui fait du bon boulot dans leur genre. Je mets Konoba dans cette catĂ©gorie. Par contre, il faudrait regarder si ceux qui se 'plaignent' ne sont pas dans une catĂ©gorie qui se plaint depuis toujours, celle des gens qui ne font pas de tubes.â Il sâexplique âQue ce soit dans les annĂ©es 80, 90, 2000 ou 2010, ça ne fonctionnait pas mieux pour ceux-lĂ quâaujourdâhui. Il faut accepter le fait que pour les artistes de la FWB comme pour nâimporte quel autre, il y en a qui seront toujours plus mainstream que dâautres. Et les radios (privĂ©es, NdlR) sâintĂ©ressent principalement Ă ceux-lĂ parce quâelles doivent faire du chiffre. Elles ne vivent pas de subventions, elles doivent faire de lâaudience pour vivre. Elles vont donc plutĂŽt vers ce qui est pop et sucrĂ©.â
âNous sommes colonisĂ©s par des francophonesâ
Sâagissant des quotas Ă©voquĂ©s ci-dessus, le directeur de LN Radio juge le systĂšme compliquĂ© et mĂȘme inadĂ©quat. âNous ne sommes pas dans la situation du QuĂ©bec oĂč les francophones sont trĂšs nettement minoritaires par rapport aux anglophones. Nous sommes juste Ă cĂŽtĂ© de la France dont les mĂ©dias dĂ©bordent abondamment, tant en radio quâen tĂ©lĂ©vision, sur notre territoire. Nous sommes colonisĂ©s par des francophones, pas par une autre langue. Selon moi, il faut maintenir un quota de production locale, peut-ĂȘtre plus important quâaujourdâhui, mais abolir celui sur la langue. Ou le diminuer drastiquement. Ă mes yeux, il nây a pas plus de lĂ©gitimitĂ© Ă dĂ©fendre les recettes de Pascal Obispo que celles de Madonna. Par contre, il y a un devoir de soutenir nos artistes comme Elia Rose, Lucie-Valentine et dâautres qui ont du mal Ă faire leur beurre, plutĂŽt que de diffuser du R&B en provenance de la banlieue française qui ne nous correspond pas.â
"Le public est souverain dans ses choix"
En musique comme dans tout, parfois l'offre ne rencontre pas la demande. Peut-ĂȘtre aussi parce qu'elle est devenue plĂ©thorique.
"Le problĂšme est vaste et les raisons de cette situation nombreusesâ, commet Thomas Simonis, ex-programmateur radio chez RTL dĂ©sormais consultant audio auprĂšs de la Direction GĂ©nĂ©ral MĂ©dia de la RTBF. Il ne le nie pas, le soutien des artistes Ă©mergents, que ce soit par la FWB et par les radios, fait partie du problĂšme Ă©pinglĂ© par Konoba. âCependant, ajoute-t-il, au final, le public dĂ©cide. Il est souverain dans ses choix. Parfois, mĂȘme des artistes trĂšs soutenus ne rencontrent pas leur public et finissent par jeter lâĂ©ponge. Parfois mĂȘme ils ont un public mais pas assez pour en vivre dignement.â Ăa ne veut pas dire que les artistes en question sont nuls, ni que le public est idiot, commente-t-il. âJuste, il nây a pas eu de rencontre entre la demande et lâoffre. Ou pas dans un volume suffisant.â
Un constat partagĂ© par Philippe Deraymaeker. âJe fais une interview dâartiste FWB chaque semaine depuis 2015 et jâai lâimpression quâil y a toujours des problĂšmes pour la classe moyenne de la musique en FWB. Tous les artistes que je croise, quâon diffuse, qui ont donc un certain nombre de rotations sur notre antenne parce que nous y voyons un potentiel, me disent depuis toujours quâils sont obligĂ©s dâavoir un job Ă cĂŽtĂ© pour vivre. Je nâen connais pas qui disent vivre que de leur artâ, explique le directeur de LN Radio. DâoĂč cette question quâil pose : est-ce que cette classe moyenne a rĂ©ellement dĂ©jĂ existĂ© de maniĂšre importante ?
Thomas Simonis ajoute une autre dimension Ă prendre en considĂ©ration : âLes plateformes (dâĂ©coute en ligne, NdlR.) sont saturĂ©es dâartistes que personne nâĂ©coute.â Selon une Ă©tude rĂ©vĂ©lĂ©e lors du SXSW, le South By South West, un grand rendez-vous musical organisĂ© chaque annĂ©e Ă Austin, au Texas, sur 158 millions de morceaux de musique prĂ©sents sur des plateformes et analysĂ©s, 67,1 millions ont Ă©tĂ© Ă©coutĂ©s moins de dix fois. Un peu plus de 42 % des titres enregistrent donc une Ă©coute trĂšs faible. Et 24 % nâenregistrent tout simplement pas la moindre Ă©coute⊠Telle est la rĂ©alitĂ©. âIl y a peut-ĂȘtre une histoire dâalgorithmes mais pas uniquement. Peut-ĂȘtre que le marchĂ© de la musique mondialisĂ© est juste saturĂ©â, dĂ©clare notre interlocuteur.
Quant Ă la tĂ©lĂ©vision, sâil nây a plus beaucoup de musique Ă lâĂ©cran, câest quâelle fait zĂ©ro audience et que ça coĂ»te cher, souligne Thomas Simonis. âDes Ă©missions musicales existaient, avec du live, des interviews et jâen passe. Mais personne ou presque ne les regardait. (...) Câest super triste mais câest un fait.â Il Ă©pingle cependant le cas de The Voice: âLâĂ©mission a fait et fait Ă©merger des talents qui pour certains vivent encore de leur musique. Il y a un petit Ă©cosystĂšme assez vertueux qui sâest mis en place autour de lâĂ©mission.â