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Bientôt impossible de zapper la pub chez Proximus, Voo ou Orange ? Pas si vite…

Le changement ne fait pas le bonheur des abonnés, majoritairement flamands, mais également bruxellois, de la télé digitale de Telenet : le câblo-opérateur rendra, dès la fin septembre, la pub obligatoire sur les contenus consommés en différé (replay) ainsi que sur les émissions enregistrées. Autrement dit, si vous enregistrez votre émission favorite ou la consommez en catch-up TV (tous les contenus deviendront accessibles en replay), il deviendra impossible “d’avancer” les pubs. La décision, polémique du point de vue de la plupart des clients, qui s’estiment déjà suffisamment exposés à la publicité et payent accessoirement un abonnement à la télé digitale qui est en Belgique dans le haut du panier des prix les plus chers pratiqués en Europe (de surcroît chez Telenet), répond évidemment à la demande des annonceurs et des éditeurs de contenu. “Les recettes publicitaires représentent la principale source de revenus des chaînes commerciales. Mais parce que nous regardons moins la publicité, les spots publicitaires doivent être diffusés plus souvent jusqu’à ce qu’ils aient atteint un nombre suffisant de téléspectateurs” , justifie le câblo-opérateur basé à Malines. “En conséquence, les chaînes vendent au total moins de temps publicitaire.”

S’il est acquis que la consommation linéaire de la télé perd du terrain au fil des ans (elle est à peine majoritaire, 51 %), cette décision, une première en Belgique, comporte un risque majeur : celui d’encourager plus encore le cord-cutting et de pousser les consommateurs davantage dans les bras de Netflix et ses rivaux, payants également, mais dénués de pub.

Ce risque, Test-Achats le pointait ce mardi, déplorant la décision de Telenet. “Les clients sont maintenant obligés de payer pour regarder les publicités et cela sans aucune garantie que cette pause commerciale obligatoire aura un effet favorable sur les annonceurs, car en tant que téléspectateur, vous pouvez toujours utiliser cette minute pour une pause pipi ou une visite au réfrigérateur” , notait Jean-Philippe Ducart de Test-Achats. Qui pointe le risque d’un “effet boomerang” contre-productif pour les opérateurs. “Chez Telenet, par exemple, vous disposez déjà d’un abonnement Netflix 4K (15,99 € par mois) et d’un abonnement Streamz (11,95 € par mois) pour quasiment le même prix que votre abonnement de télévision numérique avec décodeur inclus (27,87 € par mois)” , indique l’organisation de consommateurs, qui craint l’effet boule de neige, écrivant même dans son communiqué que les opérateurs concurrents de Telenet allaient “sans doute suivre” .

Proximus, Voo et Orange en observation : on est loin d’un suivisme garanti

Si Telenet a posé la première pierre, est-il exact de penser que les autres vont s’engouffrer dans la brèche et poursuivre la construction de l’édifice de ce nouveau modèle publicitaire ? Pas si vite…

Déjà, il convient de mesurer les intérêts de Telenet. Qui a la particularité d’être à la fois opérateur, mais, aussi, via SBS Belgium, patron des chaînes flamandes Vier, Vijf et Zes. SBS Belgium est en effet détenue par… Telenet. Logique donc que Telenet fasse le forcing pour que les pubs qu’il diffuse soient unskippable , il s’agit de protéger ses propres revenus…

Officiellement, les trois opérateurs sondés par nos soins (Proximus, Voo et Orange), qui ne présentent pas la même dichotomie, partagent tous un attentisme confortable sur la question. Chez Voo, rien de concret ou d’imminent sur le dossier : “La priorité de Voo reste l’expérience de ses clients”, nous assure-t-on.

Pour autant, “nous ne restons pas sourds aux impératifs du marché des médias, et nous observerons avec beaucoup d’attention l’évolution de ce dossier dans les prochaines semaines” .

Du côté de Proximus, on semble plus avancé même si rien n’est encore acté. “ L es publicités qui ne peuvent être sautées sont déjà une réalité chez Proximus dans le cadre du replay, et nous étudions les possibilités afin de les intégrer dans les enregistrements. Cela fait objet de discussions avec les diffuseurs. Nous sommes ouverts aux initiatives qui contribuent au développement d’un écosystème médiatique local fort.”

Même poste d’observation occupé par Orange Belgium sur ce dossier, “compréhensif des enjeux” , mais “moins concernée au premier plan puisque Orange ne propose actuellement pas de replay” .

Les enregistrements, chez l’ex-Mobistar, sont par ailleurs hébergés localement sur le décodeur des clients : impossible, techniquement, en l’état actuel d’y injecter (ou d’y ôter) quoi que ce soit de plus ce que le flux live a enregistré.

Ce qui est en revanche garanti, c’est que des discussions ont bien lieu, de manière intensive, dans les bureaux des opérateurs précités. Mais il est prématuré de penser qu’ils vont emboîter le pas de l’initiative de Telenet. D’autres alternatives, moins coûteuses en matière de développements technologiques, sont également à l’étude.

Comme le fait d’intégrer les plateformes des éditeurs directement dans nos décodeurs.

Disposer d’Auvio, RTL Play ou VRT Nu directement dans votre box Voo, Proximus ou Orange permettrait en effet de répondre à la demande de liberté des consommateurs, tout en laissant aux éditeurs de ces plateformes la possibilité de garder la main sur la publicité ainsi que d’identifier leurs viewers , voire de leur proposer une publicité ciblée, saint-Grâal des annonceurs et agences médias.

Il convient toutefois d’évaluer le dossier avec prudence, la réalité d’hier n’est pas celle du lendemain : John Porter, grand patron de Telenet, déclarait il n’y a pas trois ans d’ici (le 20 novembre 2018 à nos confrères du Morgen), qu’interdire l’avance rapide sur les publicités reviendrait à un “suicide commercial”…

Reste qu’avec cette décision, l’opérateur envoie un signal clair : les revenus publicitaires valent désormais au moins autant à ses yeux que l’expérience de ses clients. L’avenir dira si cette voie sera pavée de réussite.